05 novembre 2005

Paris vile lumière

Paris « ville Lumière » : on va finir par croire qu’il s’agit d’éclairage.

Le nombre de mégawatts gaspillés, c’est ahurissant.

Les monuments, les grands magasins mais aussi, maintenant : des étages entiers de bureaux, des vitrines chics soi-disant, des commerces, trumeaux, moulures, le moindre hôtel et son chérubin en pierre, tout immole le photon, crache le lux, la facture EDF, tout est absorbé par la rentabilité et le tiroir-caisse, par le prix galopant des chambres d’hôtel, de la baguette à un euro dix, compensé par le chiffre d’affaires, le loyer qui explose, le probloc qui révise, le municipe qui laisse faire... Tout est ampoule, clignotant, diode, phare, chauffage, électricité, ambiance, carte postale pour touriste.
« Paris la nuit ». C’est magnifique, c’est écoeurant.

Depuis des années, le ciel de Paris est clair la nuit comme un plein jour, cela n’étonne personne, et avec la pollution cela fait belle lurette qu’on ne voit plus d’étoiles, qu’on ne sait plus que la nuit, c’est quand il fait noir.
Avant de se coucher, on baisse le store et on tire les rideaux pour que le gris clair ne nous empêche pas de dormir. Pour protéger nos rétines.
Un « clair-obscur » de cinéphile à la con, gorgé d’ampoules et de panneaux colorés, qu’on doit se taper chaque soir. C’est ça Paris. Une cloche immense, un halo brumeux, visible à des dizaines de kilomètres, phosporescent, presque chimique qui vous fait oublier qu’à la campagne, la nuit, il fait noir, tout noir.

Las Vegas, Los Angeles, à force de feuilletons américains, les Français s’imaginent sans doute qu’une ville grande (ah oui : une grande ville) doit être visible depuis l’espace et rivaliser en lampes, projos, éclairages. Et l’écologie, et l’économie, et le gâchis, tout simplement ?
On fait de Paris un musée, un machine à sous, le jour. La nuit : une guirlande, un parc d’attraction.
Les enfants dessinent des poissons carrés, parait-il. Les parisiens, eux, admirent leur nuit blanchâtre.
L’hiver dernier, alors que le thermomètre plongeait à moins 10 degrés, rue de Rivoli, un nouveau magasin de fringues - du genre à exposer 3 bustiers de femme sur 120 m² de vide, le reste en sourires – ouvrait deux immenses portes dilatées, trouant l’immeuble, tandis que des chauffages puissants vous grillaient la tête sur le seuil.
Et puis en face, sur le macadam, une forme enveloppée de crève-la-faim, ça faisait contraste.

Je me suis dit : y a des métiers ingrats, quoi qu’on dise.
Vendeuse dans ce magasin en fait partie.

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