10 septembre 2006

Google Books : quand les Ricains débarquent en Mittérandie...

Des voix s’élèvent contre le programme lancé par Google de diffusion à grande échelle, de milliers de livres ou parties de livres numérisés, et ce, au détriment de nos petits programmes de scannages nationaux.

Voilà bien de quoi rire.

Quand on songe aux efforts des fonctionnaires de la BnF, imbus de démocratie et soignés par leurs salaires, oeuvrant pour un concept de culture libre et ouverte à tous ! Etonnants petits fonctionnaires soviétoïdes, dirigeant une si noble institution et soudain dépourvus d’argument lorsqu’un journaliste les interroge sur le projet californien. N’ayant plus de mots. Qu’une mine de derniers de la classe. Flouzés par un concurrent plus rapide, et qui plus est, libéral!

Car, si l’on admet qu’avec l’argent intarissable de nos impôts, le projet français Gallica s’avère être une lente, très lente réussite, rien n’est pourtant moins concurrentiel, ni libre de mainmise idéologique qu’un projet culturel ‘officiel’ dans notre belle France d’aujourd’hui : les bastions que sont nos bibliothèques publiques, centres d’archives publics, musées publics, écoles publiques, paralysés par les syndicats d’ultra-gauche, gangrenés par des technocrates post-soixantehuitards, sont là pour nous le rappeler, au besoin.

On voudrait nous faire croire que Google Books est une menace institutionnelle et, bien sûr, idéologique. Cela ne s’invente pas : un petit malin a même sorti, à l’occase, le mot d’eugénisme documentaire. Les picadors du mittérandisme ne savent plus quoi inventer. Parler d’eugénisme documentaire pour ne pas oser simplement prononcer, tenez, le mot de nazisme culturel...

A croire qu’il y a une menace culturelle à trop vouloir numériser et proposer de livres. Car, qui fait le choix, la sélection des ouvrages? Tandis qu’aucun de ces intellos ne soulève le plus petit doigt, pour évoquer la présence écrasante de milliers de sites pornographiques. Tandis qu'aucun n'ose avouer l’intérêt relatif de millions de petites pages perso inutiles. Ou encore, tout simplement, ne désigne tout ce que le Net charrit comme produits et sous-produits culturels... Non, rien à craindre de ce côté-là. Par contre, passer de vieux in-folio poussiéreux sous les rayons d’un scanner... attention : danger !

Le problème de la numérisation des livres se pose, en effet, mais uniquement avec l’édition. Et il faut dire, il se pose de la même façon qu’à la presse celui d’Internet.

Aucun armageddon ne pèse, en vérité, sur les bibliothécaires qui n’ont pas attendu Google pour envisager leur retraite anticipée et dont les établissements, vides ou pleins, fréquentés ou pas, seront financés par nos impôts, quoi qu'il arrive. Les seuls menacés sont les éditeurs de livres, mais seulement ceux qui rééditent des classiques, des livres anciens, c’est-à-dire pas grand monde. Encore faut-il que nos dindons du politiquement correct, sachent ce que rééditer un livre ancien veut dire. N’attendant du passé que ce qui les arrange, les pastèques socialos préfèrent miser sur une offre contemporaine mieux encadrée, plus productive, plus maléable : tu penses !

L’autre vraie question qui se pose, et pour laquelle on nous engage encore sur une piste du type ‘halte au libéralisme sauvage !’ (s'agissant de culture c'est pas mal) c’est ce qu’il y a derrière la machine Google. Quelle est la charte déontologique et commerciale de Google, quel est son but ? Là dessus, pas besoin de chercher trop. On se doute que l’intérêt sera plus commercial que philanthropique, et que derrière encore, on aura à se poser des questions sur la pertinence et la sélection des ouvrages. Mais la concurrence c’est ça. Si t’as rien à proposer de mieux, c’est sûr que t’es perdu d’avance. Et en attendant de gagner, rien ne vous interdit de surfer chaque jour sur un moteur de recherche ultra-puissant, pour pas un rond. Rien ne vous empêche non plus de vous interroger sur la qualité de ce qu’on vous propose.

Mais dans la tête de nos intellos, on fantasme. On craint que la diffusion culturelle puisse être monopolisée, orientée, par une firme, ou par l’Etat américain. On gémit à l'idée qu’elle puisse leur échapper, qu'un fachisme s'installe (et s’ils voyaient le leur ?). Ils ne se rendent pas compte, qu’en exprimant leurs pseudo-phobies culturicides, ils nous révèlent leur angoisses sur des pratiques que nous subissons déjà, puisqu’eux-mêmes nous les imposent. Voyez le sort jeté aux quelques media de droite, que le Pouvoir cherche à noyer. Niant tout principe démocratique. Entre la numérisation par Google, du très-nocif Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la Bibliothèque de Carpentras, et le projet de numérisation du journal l’Humanité par la BnF en tant qu’objectif prioritaire: là c'est sûr, on a le pied dedans.

Quant au vieux débat du Numérique contre le Papier, du bon vieux livre cédant la place à une lecture pixelisée sur écran 19’’ (sans parler du syndicat national des Ophtalmos qu’on a omis de mettre dans la course), il devient évident que cette guerre n’aura pas lieu.

Si la diffusion de l'intégrale de Victor Hugo ou des Fables de la Fontaine, est squattée par des Californiens, alors nos bibliothécaires feraient mieux de songer que, peut-être, numériser les vieux manuscrits qu’ils ont en réserve, les grimoires restés tus depuis des siècles, serait un contre-pied intelligent: cela permettrait d’innover et qui plus est, de préserver et promouvoir notre patrimoine. De ce côté-là, la matière première ne manque pas.

Il aurait donc mieux valu, avant de faire de la propagande autour de Google Books et d’interviewer nos technocrates, ou d’orienter le débat, commencer par lire ce signet de la Bnf ! On aurait su tout de suite de quel monstre il s’agit :

Google Books
Version beta du service de recherche de livres de Google (ex Google Print) qui permet d'effectuer des recherches dans le contenu de livres et de magazines. Pour l'alimenter, les membres du programme adressent leurs livres à Google qui en numérise la couverture, la quatrième de couverture, la table des matières et/ou l'index, la page "copyright" et quelques pages. Les ouvrages libres de droits de plus de 50 ans devraient pouvoir être consultés dans leur intégralité.Cela permet à Google de nourrir son index tout en stimulant les ventes de ses partenaires puisque les utilisateurs de Google Book Search sont incités à acheter les ouvrages proposés par des liens commerciaux menant vers des librairies en ligne.Google Book Search demande parfois aux utilisateurs de s'identifier à l'aide de leur compte "Gmail" pour pouvoir continuer la consultation des pages pour "des raisons de sécurité". L'interface de consultation est ergonomique.Si le projet a une vocation surtout commerciale, l'outil intègre plus de 15 millions d'ouvrages des bibliothèques de Harvard, de Stanford, de l'université du Michigan, d'Oxford et de la New York Public Library.

Et je n'ai pas d'actions à Google.

08 septembre 2006

Moule perlière

En parlant de diffusion culturelle, voici le genre de 'culture' que les rames du métro offrent journellement aux Parisiens :


C’est comment le Sri-Lanka ?
C’est vert
Et le Cameroun ?
C’est comme l’Auvergne, avec des girafes.
(Lauréat du 5e concours de poésie Ratp)

A côté de cestuy-là, au goût du regretté M. Devos...
Allez, on oublie tout, on oublie que ce texte est introuvable, même sur Google machin.
Et on lit. Tout ce que j'aime.
Sans plus de commentaire.


On est fort ému sur nos côtes normandes par les premiers essais qui viennent d’être faits d’une moule perlière. Il suffit, paraît-il, de placer une fausse perle à l’intérieur d’une moule pour que celle-ci, tout aussitôt surexcitée, secrète en quelques semaines une petite perle fort jolie et qui rappelle, à peu de chose près, la perle de l’huître. Ce seraît-là une véritable fortune pour nos pêcheurs normands. Ajoutons même que, dans les ports de guerre, les moules qui ont séjourné sur de vieilles coques en cuivre et qui sont dangereuses pour l’alimentation fournissent une perle dorée du plus bel orient.

A propos de ces moules perlières rappelons une anecdote amusante : lorsque le fait fut communiqué à l’Académie des Sciences, une petite revue provinciale qui s’intitule modestement Le Relèvement de l’élevage avait repris cette information d’une façon véritablement imprévue. Par suite, sans doute, d’une faute de transcription, le rédacteur agricole de cette revue avait compris qu’il s’agissait de poules merlières, et vous voyez d’ici les développements imaginés par ce folliculaire départemental ! D’après lui, la poule merlière, issue d’un judicieux croisement, sifflait comme le merle pour appeler ses petits, ce qui est plus gracieux que le caquettement habituel. Détail plus intéressant encore : elle pouvait siffler le chien de la ferme lorsqu’un renard s’apprêtait à dévaster le poulailler. Mais laissons ces folies et parlons de choses sérieuses.

Toujours à propos de ces moules perlières, il paraît que pour obtenir de bons résultats, la fausse perle provocatrice n’est pas indispensable. Il suffit d’exicter la moule en perçant un tout petit trou dans sa coquille et ces piqûres peuvent se faire très rapidement à la machine. Les moules piqués à la machine sécrètent tout aussitôt de la nacre autour du trou et produisent ainsi de jolies perles. Signalons, toutefois, que certains éleveurs cupides, ayant par trop multiplié les trous, les moules se sont contentées de produire de simples boutons de gilets de flanelle, ce qui est, on l’avouera, une leçon et un exemple.

Il convient de signaler dans le même ordre d’idées, deux inventions nouvelles issues de la moule perlière, plus réelles celles-là que la poule merlière et qui sont appelées, je crois, à faire quelque bruit.

Il s’agit tout d’abord de la poule perlière, utilisée dès maintenant par les pêcheurs normands pour récolter les perles artificielles que l’on développe dans la coquille des moules. En quelques heures, les intelligents gallinacés perchés sur les rochers, se saisissent des perles qu’ils aperçoivent dans les moules entrouvertes et qu’ils prennent naïvement pour de petits grains de mil. On peut ainsi, grâce à ces intelligentes bestioles, recueillir en une matinée des milliers de perles, dont la main de l’homme chercherait vainement à s’emparer au cours de chasses fatigantes et fastidieuses. D’un simple mouvement du bec, la poule pique la perle, l’avale, et il suffit ensuite de laver les sous-produits du poulailler pour que les braves pêcheurs normands recueillent le fruit de leurs peines.

A côté de ces poules perlières véritablement si remarquables, il faut également signaler les utiles services que rendent à la navigation les nouvelles moules perlières placées sur des dangereux récifs. Les marins ont déjà baptisé de ce nom les moules qui, percées de petits trous pour la culture des perles, rendent un son étrange, analogue au sifflement du merle. La moule percée de trous ressemble beaucoup à ce bizarre petit instrument de musique qu’on appelle ocarina.

Lorsque le vent souffle, lorsque la tempête fait rage, les moules percées de trous font entendre un sifflement sauvage qui avertit les navigateurs et écarte leurs nefs des dangereux récifs où elles allaient se briser. C’est ainsi que l’industrie nouvelle de la moule perlière rend de signalés services à l’humanité et l’on peut prévoir que dans un avenir prochain, les moules merlières remplaceront avantageusement les phares et les sirènes actuellement en usage.

Les chasseurs s‘intérèssent, un peu partout, à un nouvel appât qu’annoncent certains catalogues sous ce nom : perles pour lièvres.

Il s’agit d’une petite perle « en imitation » que l’on place dans les clairières et qui évoque par la forme, sinon par la couleur, l’aspect des sous-produits du lapin. Le lièvre, étonné par ces petites boules nacrées qu’il ne connaît pas, s’arrête, regarde, flaire, et rien n’est plus facile que de le tirer à ce moment-là. Notons, à ce propos, qu’il faut bien se garder de confondre la perle pour lièvres avec la moule perlière qui produit les perles moulières et avec les poules merlières dont nous vons parlé plus haut. Il ne faut pas confondre non plus avec les moules merlières imitant l’ocarina et les poules perlières qui évoquent douloureusement le souvenir de la charmante fable Le Coq et la perle et servent, on le sait, en qualité de poules merlières, à rechercher les perles artificielles que l’on cultive dans le moules. Ajoutons, enfin, que la même distinction s’impose avec les nouveaux merles pour lierre utilisés par les agriculteurs pour détruire les lierres qui étouffent les arbrisseaux et que l’on fait passer d’un arbre à l’autre, lorsque leur travail est terminé, en leur lançant des projectiles inoffensifs que l’on appelle les pierres molles pour merles.

Evidemment, à la réflexion, aucune confusion n’est possible, mais un simple ‘lapsus calami’ dans les commandes pourrait entraîner de regrettables erreurs.

Gaston de Pawlowski.