30 octobre 2011

« Droit au blasphème » ou « droit à l’indignité » ?

-->Le 23 octobre 2011, le site Enquêtes & Débat met en ligne une vidéo intitulée « Des catholiques contre la liberté d’expression et le droit au blasphème ». Huit minutes de vidéo filmant l’irruption sur une scène de théâtre d'une dizaine de jeunes du Renouveau Français, le déploiement d’une banderole, les huées du public et finalement, l’interruption de la pièce blasphématoire intitulée : « Sous le concept du visage du fils de Dieu », dont c'était la première représentation le 20 octobre 2011, à Paris.





Un spectacle public d’environ une heure, financé et médiatisé par la bien-pensance artistique, où le visage immense d'un Christ en toile de fond est lapidé, puis couvert d’excréments humains. Un spectacle scandale, qui se veut scandale pour lui-même et non, hélas, pour ce qu’il a réellement à dire.

Une occupation des planches, donc, réalisée « avec fermeté » s’empresse de rapporter Enquêtes et Débats, histoire de faire sentir, à tous ceux qui n’auraient pas compris qu’une action de ce type nécessitait, évidemment, un minimum de fermeté (nous préférons l’expression plus claire : avoir des couilles), ce petit soupçon de fachisme, dont est entâchée toute action musclée qui n'est pas d'’extrême-gauche.

Sur le titre, premier dérapage. Personne, en effet, parmi ces jeunes chrétiens, ne saurait se dire « contre la liberté d’expression » en tant que telle, ainsi que le suggère fallacieusement l'intitulé.  Personne en France, mais on peut ajouter : personne parmi tous les chrétiens, car  nul chrétien n'ignore ce qu’il doit à la liberté d’expression, jaillie des viscères du Christ, et devenue le ferment de notre civilisation.

Ensuite, ce commentaire bref d’Enquête & Débat collé sous la vidéo :
« Et oui, il n’y a pas que les musulmans qui sont pour l’abolition du droit de blasphème, on l’avait déjà vu avec le Piss Christ, on comprend mieux pourquoi l’Eglise catholique favorise l’avancée de l’islam » Un commentaire signé Jean (Robin ?), on n'ose y croire...

Pour un site d’« enquête et débat », qui se veut anti-pensée unique, nous voilà replacés  confortablement sur les rails du politiquement correct ! Abolitionnisme, Droits-à-tout-va, Manigances-de-l’Eglise...
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Où est censé se situer le débat ?

Après avoir fatigué notre vocabulaire de concepts forgés à partir du mot « droit », sans cesse confondu au mot « liberté », il fallait bien innover : voici donc le  dernier de la famille, le « droit au blasphème », enfant bien tardif et à la paternité douteuse.

A force de se référer aux grands principes humanistes, on en oublierait, en effet, la notion de dignité. On en oublierait cet autre principe fondamental qui est : la justice. A force de  brandir de bons principes droitdelhommistes, on oublierait enfin, de tous les principes de notre humanité, celui qui surplombe tous les autres : le principe de réalité.

La réalité, c’est l’exaspération. Les chrétiens sont les seuls à pouvoir être insultés publiquement, officiellement, médiatiquement et (dont acte) « artistiquement ». Les seuls à devoir se taire, ou se contenter d’une presse diluée ou marginalisée, une télé fantoche. Les seuls à rougir  honteusement, de leurs joues dodues. Les seuls à être montrés du doigt dès qu’ils agissent ou usent de force (mais non de violence) pour rejeter un projet scandaleux qui les vise directement, intimement, violemment. Les seules victimes à être mises, par la presse et les medias, au ban des accusés.

La justice, c’est toujours la même. Celle qu’on réserve aux autres. Car les chrétiens sont les seuls à qui, en France, l’on n’applique aucun principe de réciprocité. Ne parlons pas d’égalité de traitement avec les autres religions (judaïsme, islam) scandaleusement surmédiatisées et surprotégées, mais simplement, de notre actualité sociale quotidienne qui abonde de blocages organisés par les Syndicats, les Verts, les artistes... par toute cette gauche qui remet en cause ouvertement notre liberté de circuler, de travailler,... sans que personne ne vienne siffler, même gazouiller, sur ces mises entre parenthèses de nos-droits-et-libertés fondamentales.

La dignité, c'est quoi ? C’est ce qui fait que, même si nous avions la possibilité de salir, nous chrétiens, tel ou tel prophète-bourreau par  des propos scatologiques, d’asperger de fiente la dignité des autres croyants (ou incroyants) dans l’idée de valoriser la nôtre, nous ne le ferions pas. Une sérieuse nuance, au demeurant. Un de ces principes que les professionnels du code civil  auront du mal à transposer en termes juridiques, mais qui existe, et dont nous avons besoin.

La liberté d’expression n’a rien à voir là-dedans. Évidemment. Il est clair que, au delà de cette action du Renouveau français, qu’il faut comprendre (du moins raisonnablement, et nous le comprenons ainsi) comme un coup d’éclat médiatique bien mérité, il n’est pas question de censurer. C’est absurde. Que Mme Christine Tasin se rassure, il sera toujours possible de conspuer les excès des religions. Mais juste rappeler la frontière de l'acceptable.

Le simple bon sens aurait dû faire en sorte que ce spectacle ne fût jamais porté à l’affiche, ni subventionné. Mais restât dans les délires d'un créateur en manque d'inspiration, un pauvre type prêt à tout pour se faire connaître. Avec, peut-être, cette remarque que, conchier le Christ 2000 ans plus tard, prouve combien son "message" dérange. Mais nous aurions, personnellement, voulu croire que 2000 de civilisation et quelques siècles d'humanisme nous aient permis d'évoluer... pour le dire autrement qu'avec des excréments.

De même qu’on ne subventionne pas les boîtes à partouze, ni qu’on ne laisse ériger de phallus géants sur la place publique : quiconque agira dans ce sens n'est pas un immonde catho qui censure, mais un citoyen responsable et digne...  Le couple scatologie-religion, du reste, ne fait honneur à aucune intelligence humaine, à aucune société civilisée, et on n'avait pas vu reparaître cette union dégoûtante depuis les pires accès de démence révolutionnaires ou luthériennes.

Et puis, pour être franc, donner à entendre, avec un certain empressement, aux catholiques qu'ils ne sont pas assez ouverts à la 'critique', alors que, depuis un siècle, et même deux, l'Eglise de France et les cathos sont passés à la moulinette des plus récurrentes injures, est un réflexe assez déplacé, un manque de recul révélateur... Tant qu'elle ne confine pas à la violence la plus immonde, la critique est admise et légitime, et ce n'est pas aux chrétiens qu'on va apprendre cela ! Inutile de raviver des procès "d'intolérance".

Si on avait voulu poser un vrai débat, on aurait peut-être mieux fait de dire que le blasphème a beau être toléré dans nos écrits, dans nos paroles, il est moins bien accepté dans les images, et encore moins dans les actes. Notre société n'y est pas prête. C'est ainsi, et c'est tant mieux : le "poids des mots, le choc des photos" n'est pas qu'un slogan publicitaire, c'est surtout une réalité psychologique, naturelle. On aurait pu, dès lors, aborder la question du respect des choses sacrées (qui s'impose admirablement même aux athées), et du rapport qui existe entre la qualité d'une critique antireligieuse et les arguments pour le dire : car, s'il s'agit de balancer des étrons... 

Arrêtons avec l’hypocrisie qui consiste à croire que la « pluralité », la « liberté » culturelle, sont respectées. Elles n'existent pas. Les spectacles parisiens subissent tous un tri sélectif à la base, une censure indirecte, un écrémage idéologique ou politique depuis leur création jusqu'à leur production. Un « tri » culturel, véritable tabou... que M. Jean Robin serait bien inspiré d'inclure dans le tome II de son Dictionnaire des débats interdits. Monsieur M’Bala M’Bala en sait quelque chose. 
Pas question d’interdire les immondices corporelles pour ceux qui les aiment, à condition qu’elles restent dans l’espace privé et ne portent pas atteinte à la dignité de l’homme.
Pas question d’interdire les provocations, si elles ne viennent pas « troubler » l’ordre public. 
Pas question de se servir de l’argent, ni de l’espace public, pour faire plaisir à une partie de la population française au dépens d’une autre.

Or là, c’est pourtant le cas.
En ce sens, cette action est donc tout à fait justifiée.
Elle est un appel, signifiant qu’au-delà de nos libertés, il y a la dignité.
Elle est aussi un rappel que la France, bien que laïque, doit savoir accepter sa  part chrétienne, et ne lui porter aucune offense publique.