05 octobre 2005

Merci M6 : pour le mot de la fin

Samedi 29 mai 2004, M6 bouscule son programme habituel de la Trilogie, pour proposer un téléfilm français en prime time :

3 garçons, 1 fille, 2 mariages de Stéphane Clavier* (2003)
comédie sentimentale, dit le programme télé.

*le frère de M. Ouille la Fripouille

Profitant de la retransmission par une chaîne concurrente d’une finale de football, qui, selon elle, sûrement, aurait du suffire à contenir la masse des Français considérée comme inculte et abrutie par le sport, et misant sur le fait qu’un week-end traditionnel de Pentecôte éloignerait en outre la microbienne minorité judéo-chrétienne et rétrograde de l’audimat (celle qui célèbre la Pentecôte justement), qu’elle ne risquait donc rien en s’adressant à son auditoire favori d’intellos branchés et ce, à un moment politiquement prémédité, M6 décapite d’un coup net, et définitif, tout avenir du débat sur le mariage homosexuel.

...il était temps !

Retour sur image. Pour joueur confirmé. Attention, ça décoiffe :

Laurent est homo et amoureux secrètement de son meilleur ami Dan. Il n’hésite pas, pour le séduire, à se faire passer à travers un site de rencontres pour une inconnue prénommée Léa. Mais Dan rencontre une fille, une vraie, dont il tombe très amoureux (interprétée par Julie Gayet) et décide de l’épouser. La jalousie exacerbée et perverse de Laurent s’emballe mais, manque de bol, en regardant la télé, Dan tombe soudain sur l’image de son meilleur ami travestie en gonzesse en train de se trémousser sur un char de Gay-Pride. Dan commence à se poser des questions… sur lui, évidemment, pas sur son copain.

Cependant le jour du mariage approche.

Pour enterrer sa vie de garçon, Dan se réfugie chez son ami nouvellement révélé homo, pour avouer qu’il ferait bien d’essayer lui aussi… avec un garçon. Qu’il a déjà joué à touche-pipi, étant plus jeune - comme tout le monde bien entendu - mais que c’était pas pareil.

Laurent donc, se dévoue. Mais à la dernière minute, Dan éprouve une certaine gêne physique (c’est quand même son meilleur ami), ce que voyant, Laurent lui reproche vertement. Prétextant que s’il fait tout ça, c’est quand même juste pour l’aider, hein? S’ensuit un dégrafage de braguette ultra-rapide, Dan finalement n’y arrive pas, mais – plus têtu que la revue - demande à son ami de lui présenter un autre garçon.

De son côté, la jeune fille amoureuse de Dan, on ne sait pourquoi, essaie aussi de fricoter avec une lesbienne. Bref, pour enterrer sa vie de garçon, Dan s’accorde à un petit bizutage entre amis très rigolo : après avoir été forcé au moyen d’un entonnoir à ingurgiter plusieurs litres de bière, Dan est ligoté sur un lit où la clique de pédales entourant Laurent se réjouit déjà du clou de la soirée à venir: une surprise.

Dan croit évidemment qu’il s’agit de Léa, l’inconnue fantasmagorique du web, qui se frotte déjà à lui. Mais non... c'est alors un coup de théâtre : la future épouse non-lesbianisée, déboule sans se choquer de rien, et enlève le bandeau de son amoureux. Dan oublie l’haleine masculine laissée sur lui, et voyant sa promise, l’embrasse et remercie tout le monde de cette bonne surprise.

Plus fort encore : le jour du mariage arrive. Tenue guindée devant le maire et une assemblée ultra-bourgeoise (le comble de notre société, semble-t-il) : au moment d’échanger les consentements, Laurent, ivre, fait irruption dans l’assistance pour déclarer sa flamme à son ami Dan, qui se prend de nouveau à hésiter. Il laisse entendre qu’il aimerait bien, au fond, répondre lui aussi à de tels vœux homosexuels, mais que cela n’est pas possible pour lui. Bon y a toujours le divorce, c’est vrai, mais la mariée, elle, commence à en avoir marre de tout ça, pour sûr. Elle se fout du mariage, elle préfère l’union libre. Son papa (rôle interprété par Jean-Claude Dreyfus) intervient et tente de calmer le jeu, en disant d’un ton paternaliste que le mariage, c’est fait pour dire qu’on s’aime à un moment donné, et c’est tout, et c’est déjà beaucoup (sic sic sic).

La cérémonie se poursuit, Laurent est courroucé mais, en bon témoin du marié, reste présent et signe « Léa » sur le registre. C’est sensé être un nouveau coup de théâtre, ça. Il reçoit une torgnole dans la gueule.

Apothéose : la scène suivante est celle, quelques mois plus tard, du mariage de Laurent l’homo qui se marie devant le maire avec un garçon (le téléfilm est de 2003 mais comme toute propagande qui se respecte, considère le mariage homo comme un acquis).

Dan déboule avec sa femme enceinte pour réclamer à son ancien meilleur-ami l’amitié (ou l'amour on se sait plus) qu’ils ont perdue en se brouillant. Laurent est trop content : il accepte, et gagne ainsi le mari et l’amant. La caméra se tourne alors vers l’assemblée où, en voix off, chacun des respectables bourgeois, parents ou amis, en toilette du dimanche, se fait une vraie réflexion :

« J’essaierais bien de me prostituer » se dit l’une des dames à chapeau, « mmm, il a bon goût d’avoir choisi ce garçon » médite le père du marié, « moi, j’essaierai bien aussi avec une femme » se dit une autre dame. Tout cela finit par un gros plan général, genre photo de mariage devant la mairie avec ce commentaire de Laurent qui se retourne vers la caméra pour nous parler: « Finalement, pourquoi se marier avec une seule personne ? On devrait pouvoir se marier avec tous ceux que l’on aime. Qui sait, c’est peut-être ça le prochain combat ? »

Et là, on finit de gerber. On n’ose pas y croire, on regrette le foot, on regrette tout.

On espère que personne n’a regardé M6, et en même temps, on se dit qu’il serait bien que tout le monde ait pris mesure de la profonde insanité de ce film.

Dire qu’on paye pour ça. Même pas. Dire que des gens aient pu produire, filmer, participer, cautionner, inventer, osé présenter un téléfilm pareil. Sous couvert de comédie de mœurs. Aujourd’hui, il suffit de produire une sous-merde et d'y coller l’étiquette « comédie » pour rétorquer à ceux qui trouvent ça ni drôle, ni moral, ni artistique : « mais, c'est que vous n’avez pas d’humour... »

Tout est bafoué, inversé, perverti.

Le mariage de Bègles à côté de ça : de la confiote pour bigote, du carambar pour les malabars, du sirop Teisseire pour le dessert. Vous trouvez que c’est de la comédie ? Non non, rien que de l’anti-valeur. Le meilleur, la crème de la crème…

Le plus étonnant, c’est qu’un tel film anéantit bien des efforts déployés pour nous mouliner le crâne depuis des mois, depuis des années. Et sert de réponse à bien des interventions. Qui voudra croire en effet à une quelconque honnêteté intellectuelle des 'gentils gays', après ça ?

« On ne jète pas le bébé avec l’eau du bain », dit l’adage. M6 l’a fait.

Merci M6.

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